La Dioïcocratie : anatomie d’un monstre froid
- Actualité
- 14 juillet 2025
La Dioïcocratie : anatomie d’un monstre froid
“ Le peuple pense qu’il est en démocratie. Les puissants savent qu’ils sont en ploutocratie. Mais tous vivent sous la férule invisible mais bien réelle d’un régime nouveau : la dioïcocratie. ”
C’est le nom de notre époque : dioïcocratie, ou pouvoir de l’administration. Un mot barbare pour désigner une réalité bien rodée. Ici, point de roi, point de tribun, pas même de tyran ou de peuple souverain : seulement des chefs de service, des secrétaires généraux, des directions de missions interministérielles, des autorités indépendantes dépendantes, et de doctes avis « conforme à la procédure ».
La dioïcocratie ne gouverne pas : elle gère. Elle ne décide pas : elle applique des décisions qu’elle s’est elle-même données l’apparence de recevoir. Elle ne tranche pas : elle organise des consultations, recueille les avis, aligne les diagnostics, mais ne dévie jamais du cadre, même lorsque celui-ci est absurde. La dioïcocratie adore les sigles, les circulaires, les graphiques en secteur et les plateformes en ligne.
Elle ne connaît ni la révolte, ni la poésie, ni la ferveur populaire — mais elle fait des bilans d’étape tous les 18 mois et des plans de transformation de la transformation.
Son dogme ? La continuité de l’État.
Son clergé ? Les “juristes” autoproclamés du Conseil Constitutionnel.
Son Evangile ? Le décret n° 2017-1201 modifié par l’arrêté du 28 mars 2019 relatif aux procédures de mutualisation des prérogatives non transférées aux services déconcentrés.
La dioïcocratie ne déteste pas le politique — elle le digère. À force de comités, de hautes autorités, de commissions de réforme de la réforme, elle neutralise tout élan, tout souffle. Elle pratique l’art du retard raisonné : tout problème devient “un sujet en cours de traitement”.
Le citoyen ? Il reçoit un accusé de réception.
Le maire ? Il est convoqué à une réunion de cadrage.
Le préfet ? Qu’il décide ou qu’il exécute, il se réfugie puis se fond dans le brouillard d’un pouvoir prétendu neutre.
Le ministre ? Il découvre qu’un sous-directeur a opposé un avis technique contraignant.
Et pendant ce temps, les peuples s’épuisent, les territoires se vident, la démocratie devient décor, la République glisse vers la gestion automatique, l’humanité s’efface sous l’organigramme.
Il n’y a pas de despote à renverser.
Il n’y a pas de Bastille à prendre.
Il n’y a que des imprimés CERFA à remplir.
Dioïcocratie
Nom féminin (néologisme), du grec ancien διοίκησις / dioíkêsis “gestion administrative” et -κρατία / -kratía “pouvoir”.
Définition :
Régime politique dans lequel le pouvoir effectif est exercé non par les élus ou les citoyens, mais par l’administration elle-même, entendue comme un ensemble impersonnel d’organismes, de procédures, de normes et d’agents publics dotés d’une autonomie opérationnelle croissante.
Origine :
Le terme repose sur la racine grecque dioíkêsis, qui désigne à l’origine la gestion des affaires domestiques ou fiscales, puis, à l’époque byzantine, l’administration des territoires impériaux. Le suffixe -kratía évoque l’exercice du pouvoir. La dioïcocratie désigne donc littéralement le “ gouvernement par l’administration ”.
Caractéristiques :
La dioïcocratie se manifeste par :
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une hypertrophie des dispositifs réglementaires, circulaires, plans et schémas ;
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une centralité croissante des organes techniques (autorités indépendantes, directions interministérielles, inspection générale, etc.) ;
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une dilution de la responsabilité politique au profit d’un pouvoir « neutre », souvent irréversible, procédural, et non élu ;
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une transformation des élus en simples accompagnateurs de décisions déjà formalisées.
Exemples concrets :
Dans un régime dioïcocratique :
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le maire est convoqué à des réunions de cadrage, mais n’a plus de marge d’action ;
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le préfet applique, sans pouvoir déroger, des instructions normatives issues du centre ;
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le ministre découvre que son pouvoir est subordonné à des « avis techniques contraignants » produits par des directions ou des agences spécialisées.
Analyse critique :
Le concept de dioïcocratie se veut une réponse à l’illusion démocratique dans certains États contemporains, où le pouvoir politique est officiellement exercé par le peuple, mais pratiquement délégué à une technostructure hors de contrôle. Il critique un régime sans despote mais non sans domination, sans Bastille mais saturé de formulaires CERFA, sans tyran mais habité par la logique de la gestion pour la gestion.
À distinguer de :
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Technocratie : pouvoir exercé par les experts ;
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Ploutocratie : pouvoir exercé par les riches ;
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Bureaucratie : organisation hiérarchique des services publics, sans implication directe d’un pouvoir autonome.
Citation associée :
“ La dioïcocratie ne gouverne pas : elle gère. Elle ne décide pas : elle applique. Elle ne tranche pas : elle traite. Le citoyen reçoit un accusé de réception.”
(Extrait de CCCRIT_1.9 – “La Dioïcocratie : anatomie d’un monstre froid”, 2025)
Une première étude illustrant le concept par un exemple concret paraîtra en octobre, vous pourrez y accéder en suivant ce lien :
https://bretagne-majeure.bzh/pellgargan/diavaez/251004_BM_Budjed-Breizh.pdf
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